A l'occasion de nouvelles lois ou pendant des campagnes électorales, des responsables économiques et des « experts » nous expliquent dans les médias qu'il faut réduire les dépenses de Sécurité sociale, qu'on ne peut plus maintenir les retraites d'antan, que les chômeurs ne peuvent plus être aussi bien indemnisés, que le coût des services publics doit être diminué, etc ...
Selon eux, réduire ces dépenses nous serait imposé par des contraintes économiques incontournables.
Toute tentative de remettre en cause ce postulat se voit généralement qualifiée d'« irréalisme » ... sans plus d'explication.
Le but de cette page est de montrer, à partir de quelques informations officielles simples et évidemment connues de ces intervenants que ces contraintes n'existent pas.
Ces intervenants font implicitement un choix de société, ce qui est leur droit, mais en laissant croire qu'il n'y a pas de choix.
Dans chaque pays, des services gouvernementaux calculent chaque année la richesse produite par le pays. En France, c'est l'INSEE qui se charge de ce calcul.
Cette « richesse produite dans l'année » est définie officiellement par :
- la somme de tout ce qui a été vendu par le pays dans l'année (sur le territoire et hors territoire)
- moins ce qui a été acheté pour réaliser cette production.
Par exemple : si on vend une voiture 10.100 €, mais qu'il a fallu acheter pour 100 € de pétrole pour la produire la richesse va augmenter de 10.000 €.
En jargon économique, cette richesse produite s'appelle P.I.B. (Produit Intérieur Brut) ou Valeur ajoutée ; c'est en quelque sorte l'argent encaissé par le pays dans l'année après avoir payé ses fournisseurs.
Que fait-on de cet argent ?
Pour ce qui nous intéresse :
Toutefois, les propriétaires des entreprises vont généralement utiliser une partie de leur rémunération pour maintenir l'outil de production (remplacer des machines usées, par exemple), voire le développer (acheter de nouvelles machines ou des brevets pour produire plus efficacement, par exemple).
Une partie de la part Capital va donc être déduite du revenu des propriétaires : l' Investissement .
On en vient au coeur de la question, illustré par la figure ci-dessous, qui montre comment a évolué la distribution de la valeur ajoutée :
Même sans avoir une très bonne vue, on se rend compte qu' entre 1980 et 2000, 10 % du P.I.B. est passé de la poche des salariés à celle des propriétaires d'entreprises .
On peut remarquer aussi que ces 10 % ne sont pas utilisés pour investir (la part investie n'a pas varié), mais augmentent simplement la rémunération des propriétaires d'entreprises.
Ces 10% représentent environ 160 milliards d'euros chaque année... largement de quoi financer le « trou de la Sécu », le déficit supposé des retraites, celui de l'assurance chômage, l'amélioration de nombreuses aides ... et bien d'autres choses.
Les chiffres ont été arrondis pour faciliter la lecture, mais le résultat final est bien celui-là (voir plus loin un graphique plus précis de cette évolution).
Economiquement, il suffirait donc de revenir à un partage de la richesse produite équivalent à celui de 1980 pour que le financement des prestations sociales devienne une question sans objet.
Notons aussi qu'un changement dans ce partage modifie seulement la répartition des revenus, mais ne modifie en rien le prix de ce qui est vendu ; la compétitivité des entreprises souvent invoquée n'est donc absolument pas influencée par un tel changement.
Il ne faut pas pour autant tirer de conclusions individuelles à partir de ces constats globaux.
Il existe évidemment de grandes disparités dans les revenus salariaux, mais il en va de même dans les revenus du capital : bon nombre de propriétaires de petites entreprises ont bien du mal à « joindre les deux bouts », alors que des propriétaires de grandes entreprises (souvent des actionnaires) reçoivent de plantureux dividendes.
Le niveau juste de répartition entre Travail et Capital est certainement discutable à l'infini, mais une chose est sure : aucun actionnaire ne faisait la mendicité dans les années 80 !
Le graphique ci-dessous montre comment a évolué la part Travail dans la valeur ajoutée au cours des dernières décennies, la part Capital ayant évidemment évolué en sens inverse puisque la somme des deux fait 100 %.
Le changement de répartition ne s'est donc pas fait brutalement, mais progressivement sur une durée d'environ 20 ans.
De plus, plusieurs facteurs ont concouru à provoquer cette évolution.
Premièrement, comme on le disait à l'époque dans les médias, une « modération salariale », ce qui revient à dire une augmentation des salaires moins élevée que l'augmentation du PIB.
Ceci a au moins 2 effets : bien évidemment, réduire le salaire direct et les cotisations salariales alimentant les organismes sociaux, mais aussi réduire les cotisations patronales, en grande partie calculées sur le salaire.
Tout cela a concouru à faire baisser la part Travail, et donc à augmenter la part Capital.
Deuxièmement, des changements dans la fiscalité visant à « alléger les charges des entreprises » : réduction de certains taux de cotisations patronales, réduction de l'impôt sur les sociétés, ...
Ceci fait donc augmenter la part Capital.
Troisièmement, l'équilibre financier des organismes sociaux devenant incertain, certaines prestations ont été réduites (remboursement de Sécu, allocations chômage, ...), ce qui revient à diminuer la part (indirecte) Travail.
Ces mesures ne suffisant pas, de nouvelles cotisations ont été créés, mais dont la part salariale était plus importante que la part patronale, contribuant encore à baisser la part Travail.
Quatrièmement, l'optimisation fiscale étant devenue plus facile pour les entreprises multinationales, certaines n'hésitent pas à profiter des infrastructures collectives du pays mais ne veulent pas contribuer à leur financement et font apparaître leurs bénéfices dans un pays où l'impôt est moins élevé.
Ceci fait sous-évaluer le PIB et la part du Capital (puisque ces bénéfices ne sont pas comptabilisés),mais surtout est un manque à gagner pourle financement de ces infrastructures ... qui doit être assuré par les autres.
Le P.I.B., mesurant la richesse produite, a été présenté de façon simple plus haut.
En réalité, son calcul est complexe ; par exemple :
Tout ce qui a été dit précédemment s'appuie sur les règles économiques « officielles », pratiquées dans les grands organismes nationaux et internationaux.
Mais ces règles sont tout à fait contestables, et de plus en plus contestées par bon nombre d'économistes notamment.
Par exemple, le P.I.B., censé mesurer la richesse produite :
Dernière mise à jour de cette page : 18/1/2009